Gilberto Gil et Roberta Sá : une escale brésilienne au Montreux Jazz Festival (07.07.23)

Ce vendredi 7 juillet, il fait une chaleur étouffante à Montreux. Au bord de la riviera, les palmiers rendent l’atmosphère tropicale. 

Ça tombe bien, aujourd’hui le Brésil est à l’honneur au festival et les fans sont au rendez-vous.

Roberta Sá, héritière de la tradition musicale brésilienne

C’est cette chanteuse populaire brésilienne qui ouvre la soirée. Là-bas c’est une véritable star, mais ici elle est moins connue des locaux. Pourtant aujourd’hui à Montreux tout le monde est excité à l’idée de la voir performer. En Suisse, on trouve une grande communauté brésilienne et portugaise et tous les fans ont répondu présents. 

Ce soir sur la scène de l’auditorium Stravinski elle va nous présenter son dernier album Sambasá, sorti en 2022. On a hâte de découvrir son univers.

Les musiciens s’installent sous les applaudissements du public. Le concert démarre par une intro de bandurria, un instrument traditionnel brésilien. Dès les premières secondes on plonge dans le folklore de cette musique solaire. 

Une voix claire et posée s’élève a capella dans l’auditorium. On cherche la chanteuse du regard mais elle commence à chanter des coulisses. Après quelques phrases mélodieuses en portugais, elle prend enfin possession de la scène d’une démarche lente et assurée.

Ce qui frappe tout de suite chez Roberta Sá c’est sa prestance. La chanteuse n’a pas besoin d’en faire des caisses, elle possède une grâce naturelle et envoûtante. Elle porte une robe noire stylisée par de grandes manches bouffantes. Son visage rayonne d’une sérénité communicative, sa posture est droite et classieuse. On ne la quitte plus du regard.

Elle est accompagnée de quatre musiciens. Une guitare électro-acoustique aux cordes en nylon, caractéristique du style bossa nova. Un musicien soliste joue de la bandurria, un instrument qui ressemble à une mandoline et qui apportera des sonorités tropicales tout au long de la soirée. Une basse et une batterie dessinent des rythmiques entraînantes.

Les premières chansons du set s’enchaînent sans pause. En live, Roberta Sá a la particularité de jouer des versions longues de ses chansons. Elle développe son univers musical qui mélange de nombreuses influences : pop, samba, bossa nova, musique populaire brésilienne.

Le public joue une part importante dans l’ambiance de ce concert. La salle est remplie de fans et chanson après chanson, tout le monde danse et entonne les mélodies enjouées avec enthousiasme. Dans ce cadre festif, impossible de ne pas se laisser emporter par cette musique dansante.

La mélodie du morceau Ah Se Eu Vou, portée par les solos de bandurria est un véritable cocktail vitaminé. On se verrait bien siroter une piña colada, les pieds dans le sable. 

Sur la ballade langoureuse Me Erra le batteur s’illustre. Il alterne entre balais et baguettes, roulements de caisse claire feutrée et rimshots mesurés. Un jeu nuancé qui sert à merveille l’ambiance mélancolique de la chanson.

L’intro de Sufoco nous offre un beau moment entre la chanteuse et son guitariste. Elle s’approche de lui et ils entament tous les deux une sérénade qui pose les bases de ce morceau langoureux. 

Tout au long du concert, Roberta imprime son style élégant. Sa voix est pure et son interprétation sobre et maîtrisée. Dans la manière dont elle vit ses chansons, l’art dramatique se mélange à la musique. Les émotions sont décuplées par ses expressions faciales, sa gestuelle mais également par les sonorités de la langue portugaise qui parlent au cœur et aux passions. Rien n’est jamais surjoué, tout est authentique.

Le dernier quart d’heure du concert est rythmé et énergique. Mention spéciale pour le bassiste qui nous régale avec des lignes de slap sur Sorriso Aberto, qui vient clore le spectacle avec une funk à la sauce brésilienne. 

Le public est ravi, Roberta Sá et ses musiciens quittent la scène après un beau concert qui a su nous faire voyager tout du long. Ce n’est qu’un bref au revoir car nous les retrouverons quelques heures plus tard sur la scène du Memphis pour les fameuses jams session du MJF qui dure de 22h00 jusqu’à 5h00 du matin.  

Mais avant cela place au maître

Gilberto Gil, une réunion de famille au sommet

Entre Gilberto Gil et le Montreux Jazz Festival, c’est une longue histoire d’amour qui dure depuis 1978. Ce soir la plus grande figure culturelle brésilienne revient jouer pour la 15ème fois au MJF. C’est vous dire le lien fort que l’artiste a tissé avec le festival. 

Avant de parler du concert, il faut se rendre compte de l’événement spécial auquel on va assister. Gilberto Gil est un monstre sacré. 81 ans au compteur, 60 ans de carrière et plus de 60 albums.

Mais au-delà de la musique, Gilberto est aussi un activiste et une figure politique au Brésil. Il fût ministre de la culture pendant un temps, et fondateur du mouvement tropicália en 1967. Sous la forme d’une révolte contre le nationalisme et la dictature militaire qui sévissait à l’époque, il a réussi à créer une musique universelle. Pas étonnant que son héritage culturel se soit répandu partout à travers le monde. Ce soir on a la chance d’être témoin de cette histoire riche et de sa transmission. 

D’ailleurs si un seul mot devait décrire ce concert ce serait celui-ci : la transmission. 

Pour plusieurs raisons. D’abord la transmission de la musique et la culture brésilienne à son public. Mais aussi la transmission familiale. Ce soir, Gilberto Gil est entouré par toute sa famille. Trois générations sont présentes sur scène. C’est avec ses enfants et ses petits-enfants qu’il va enchanter son public. 

13 musiciens sur scène et 9 d’entre eux portent le nom de Gil. Le doyen nous présentera son arbre généalogique avec fierté au cours de la soirée. Ce sont les mots de Gilberto en personne : on assiste à “une réunion de famille de sang, mais aussi de famille musicale”

Soyez sûr d’une chose, quand les brésiliens se rassemblent autour de la musique, ils font les choses en grand. C’est un véritable orchestre de multi-instrumentistes. Percussions, cuivres, guitares, choristes, claviers, basse, batterie, toute l’armada est déployée sur la scène de l’auditorium Stravinski. C’est parti pour un nouveau moment de légende au MJF. 

Le début du concert commence avec Palco et Barato Total deux tubes imparables aux accents funky. Si l’on devait résumer la musique de Gilberto Gil, on pourrait parler de fourre-tout qui va piocher dans le meilleur de chaque genre. Bien sûr la base musicale reste toujours les musiques populaires du Brésil, mais dans chaque morceau, les arrangements et les rythmiques vont explorer bien plus loin. Une musique universelle on vous a dit.

Ainsi Expresso 2222 nous offre une intro nu-jazz, Vem Morena s’inspire des musiques orientales, Extra a une rythmique de guitare et des cuivres typiques du reggae caribéen. Quelques chansons sont entrecoupées de ponts ronflants et de solos de guitare électrique résolument rock. 

Entre les chansons, Gilberto s’adresse au public dans un très bon français. Il en profite pour raconter son histoire, et l’origine de ses morceaux. Il nous fera même l’honneur de chanter une chanson entièrement en français : Touche pas à mon pote est une réflexion sur le passé colonial de la France. 

Il enchaîne avec une magnifique ballade bossa nova intitulée Estrela. Cela veut dire “étoile” en français. Effectivement le ronronnement d’un shaker, les arpèges de guitare et les harmonies vocales nous transportent à travers le ciel calme d’une nuit d’été. 

En milieu de set, Gilberto Gil honore la jeune génération. Il invite son petit-fils, le jeune percussionniste à prendre le devant de la scène avec lui. Celui-ci accompagne son grand-père à la guitare sur une version acoustique de Tempo Rei. La chanson suivante, c’est sa petite-fille Flor qui prend le micro pour nous chanter Time Will Tell. Plus tard son fils Francisco chantera le morceau Procissao. Le flambeau est magnifiquement transmis, la relève est assurée. 

La fin du concert sera une suite des grands succès de la carrière de Gilberto Gil. 

D’abord Aquele Abraço, chanson qui donne son nom à cette tournée 2023. Gilberto danse et en profite pour nous montrer qu’il n’a rien perdu de son déhanché et de ses pas de samba. Le public est ébahi de voir le vieux sage bouger avec tant d’énergie.

C’est l’hystérie la plus totale dans l’auditorium Stravinski lorsque résonnent les deux plus gros tubes de Gilberto, Realce et Toda Menina Baiana. C’est l’heure de danser et chanter une dernière fois avec le maître brésilien et toute sa famille. 

Lorsque la soirée se termine, l’énergie de ce concert nous parcourt encore. De tous les show vus au Stravinski, celui-ci restera dans nos mémoires pour son énergie solaire et festive.

Muito obrigado !

Crédits photos : Montreux Jazz Festival, Lionel Flusin

Julien Portenguen

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