WASTELAND : Brent Faiyaz aborde la masculinité toxique

“I’m rich as fuck and I ain’t nothing at the same time.”

Brent Faiyaz – Rolling Stones

La scène Hip-Hop explore de plus en plus des sujets sociaux, que ce soit thématiques de classe, race ou genre. Les femmes osent ainsi parler de leurs conditions et de leurs vécus, à l’image par exemple de Yaya Bey et son nouvel album, dans lequel elle raconte notamment sa relation avec un amant abusif.

Cette idée porte un nom : masculinité toxique. Le psychiatre Terry Kupers la définit comme une « constellation de traits masculins socialement régressifs qui servent à encourager la domination, la dévalorisation des femmes, l’homophobie et la violence gratuite. ».

Brent Faiyaz s’inscrit dans ce mouvement d’une façon originale : il vit le rôle de l’amant toxique à la première personne, en en montrant les aspects les plus sombres. Il personnifie ainsi, le bad boy, pour ne pas dire le Vilain, dans un récit inspiré de sa propre vie.

Ce qui caractérise la masculinité toxique

Adultère et idée de virilité dans le sexe

Le ton est donné dès le titre qui ouvre l’album : Villain’s Theme. Le villain, le méchant de film : aucun hasard, Faiyaz a avoué bingwatcher les Tarantino lors de l’écriture de l’album. Et justement, il s’en inspiré lors des « Skits », des interludes venant ponctuer l’album et qui nous donnent à voir la vie de ce certified toxic lover. On entend la mère de son enfant lui reprocher son manque d’attention et son infidélité – sans pour autant parvenir à susciter une seule réaction de sa part.

Colère, violences et censure des émotions

Une situation qui rappelle des morceaux tel que Circles de The Game, où les ressentiments liés à l’adultère détruisent petit à petit une relation. Mais l’exemple le plus spectaculaire est le récent We Cry Together de Kendrick Lamar, qui met en scène une dispute explosive dans laquelle aucune des deux parties n’est capable de reconnaître ses torts. Une impossibilité d’exprimer sainement ses émotions caractéristique de la masculinité toxique, aussi explorée sur un autre titre de Mr. Morale & The Big Steppers, Father Time, qui en illustre une autre facette : les problèmes parentaux.

« Daddy issues, hid my emotions, never expressed myself
Men should never show feelings, being sensitive never helped”

Kendrick Lamar – Father Time

C’est un cercle vicieux qui s’établit dès l’enfance, alimentant ainsi un comportement problématique qui se perpétue de génération en génération.

Comment Déconstruire : Explorer sa complexité pour guérir

C’est sur Wasting Time, que le Villain parvient finalement à exprimer ce qu’il a sur le cœur « If you’re gonna waste your time/Then waste your time with me ».

Sur ce morceau, en featuring avec Drake, il se désole ne pas pouvoir passer plus de temps avec son amante à cause d’un mode de vie trop différent, le forçant à en ressortir à des plaisirs éphémères. Une prise de conscience essentielle avant qu’il ne soit trop tard : un changement de cap pour sortir d’un mode de vie toxique et enfin être heureux.

Un scénario qui rend pertinente la présence de Drake : c’est la même idée qu’il développe sur Certified Lover Boy, tel qu’avec des morceaux comme Champagne Poetry : « I need you, I need you, I need you/I need to make you see/What you mean to me. ». Fatigué de jouer un rôle de play boy qui l’empêche de s’exprimer véritablement dans toutes ses couleurs, y compris ses faiblesses, le rappeur cherche ainsi à se recréer en explorant une autre partie de lui-même : un processus de guérison nécessaire mais difficile à entreprendre.

Les conséquences de la masculinité toxique

Pour autant, une simple remise en question ne peut pas changer des années de souffrance. Ce poison pèse sur la santé mentale, et a raison de Brent et de son entourage. L’album se termine sur « Skit :  Wake Up Call », qui met en scène un appel de son amante qui menace de se suicider : la mort est le dernier recours pour échapper à l’enfer créé par le comportement toxique.

Faiyaz alerte ainsi de façon crue sur les conséquences bien réelles de la négligence et la maltraitance d’autrui. Détruire des vies mais aussi la sienne. Dans Dawn FM justement, le personnage de Don Juan aux lyrics crus pour lequel The Weenkd s’est fait connaître a brûlé la chandelles par les deux bouts, et il ne reste plus que les ténèbres. Il se retrouve dans un purgatoire, obligé d’attendre et de réfléchir à sa vie, une métaphore qui montre que derrière un mode de vie apparemment hédoniste se cache en réalité une profonde solitude et un vide intérieur : « It’s five AM, I’m nihilist/ I know there’s nothing after this”

Et c’est justement ce qui fait la finesse de Wasteland. Brent Faiyaz dresse le portrait d’un homme détestable, capable d’abandonner la mère de son enfant pour la tromper à l’arrière d’une limousine. Loin de célébrer ce mode de vie comme cela a pu être fait dans de nombreux morceaux de rap, il dévoile la souffrance bien réelle qui porte la masculinité toxique, et ses conséquences. Ou comme il le résume lui-même sur Addictions : « Maybe I don’t need a hug/Maybe I’m just fucked up»

Wasteland est disponible sur toutes les plateformes de streaming.

Bastien LAURENT

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