Montreux Jazz Festival 2025 Part 3 — Ezra Collective, Nubya Garcia : la réunion de famille du jazz londonien
Dernière chronique au Montreux Jazz Festival 2025.
Après une première semaine sous le signe de la soul, et deux soirées très rock’n’roll, il était temps de revenir aux sources de notre média.
Retour en 2013 : Marcus – notre rédacteur en chef – est un jeune journaliste qui écume les clubs de jazz londoniens. Il découvre une scène en pleine effervescence qui regorge de talents bruts. Lui vient alors l’idée de créer Sounds So Beautiful pour mettre en lumière ces artistes émergents et leur approche de la musique créative et décomplexée.
Car oui, c’est bien un jazz libre et hybride qui renaît depuis quelques années sur les scènes bouillonnantes de Londres. Un jazz qui n’a pas peur de groover, d’emprunter à l’afrobeat, au hip-hop ou à la world music caribéenne. Un jazz qui rassemble, qui danse, qui parle à la tête autant qu’au corps, et qui a marqué le cœur de Marcus.
Ce soir, on a rendez-vous avec des artistes issus de cet écosystème londonien. Ce raz-de-marée jazzy qui secoue le monde depuis plusieurs années maintenant s’invite à Montreux.
On vous raconte.
Nubya Garcia – Le souffle d’un jazz sans frontières
📍Casino — Jeudi 17 juillet, 20h30
Deuxième passage à Montreux pour Nubya Garcia. La saxophoniste londonienne, figure incontournable de la nouvelle scène jazz UK, entre sur scène sans bruit, mais avec l’assurance tranquille de celles qui n’ont plus rien à prouver.
Son set débute dans une ambiance feutrée, presque méditative. Une ligne de contrebasse simple, presque minimale, puis Nubya emboîte le pas. Les phrases de sax s’enroulent, s’élèvent, se fragmentent dans une sorte de spirale mystique, avant de retomber sur un groove chaleureux.
Ce va-et-vient, c’est toute sa musique : des explorations alambiquées, virtuoses, presque cérébrales parfois… mais toujours rattrapées par la terre, par le corps, par le beat. Une maîtrise absolue du langage jazz, mais au service d’un seul objectif : créer une transe collective.
Pas de grand discours, juste un moment d’intimité partagé. Elle finit par s’adresser au public entre deux morceaux :
“Il y a beaucoup de règles dans les festivals de jazz, la manière d’écouter un concert de jazz est très codifiée dans le milieu. Ce soir pour mon set, je veux que vous fassiez comme vous voulez. Pas de règles. Juste ressentez. Vivez ma musique à votre manière.”
Et c’est ce qu’on fait. On ferme les yeux, on laisse nos têtes dodeliner, nos épaules suivre les motifs de batterie, et on se laisse porter.
Alors que ses dernières notes s’évanouissent, on sent déjà l’électricité monter dans la salle : la nuit ne fait que commencer, et le jazz londonien est prêt à changer de tempo.
Découvrez Odyssey, le dernier album de Nubya Garcia.
Ezra Collective – Messagers d’une joie libératrice et universelle
📍Casino — Jeudi 17 juillet, 22h00
C’est au tour du Ezra Collective. Et avec eux, la fête.
Le groupe débarque sur scène comme une tornade joyeuse. Des cris, des blagues, des sourires… et surtout un batteur survolté (Femi Koleoso) qui fait office de chef d’orchestre, MC, catalyseur d’énergie.
Ezra Collective, c’est un gang. Un cercle. Un souffle commun.

Tout de suite, le son est là. Organique, puissant, chaleureux. Dès les premiers morceaux, le ton est donné : ici, le jazz est un feu de joie.
Femi tape sur sa caisse claire comme on tape du poing sur la table : avec une intensité bestiale et de l’urgence dans le style, comme si sa vie dépendait du bpm. La basse ronde de son frère TJ Koleoso propulse le tout dans une transe collective. Joe Armon-Jones aux claviers insuffle ses nappes envoûtantes, le saxophone de James Mollison et la trompette d’Ife Ogunjobi découpent l’air en tranches mélodieuses.
Les morceaux s’enchaînent à 100 à l’heure, nourris à l’afrobeat, au hip-hop, au reggae, au calypso et aux cuivres jubilatoires.
Moments forts : leur cover d’« I Wish I Didn’t Miss You Anymore » d’Angie Stone, puis plus tard, une version survitaminée de « Welcome to Jamrock » qui transforme le Casino en dancehall.
Mais ce qui rend cette soirée encore plus spéciale, c’est la réunion avec Nubya Garcia sur scène.
Femi Koleoso raconte leur histoire commune : ils viennent tous du même youth club londonien, Tomorrow’s Warriors, une pépinière de talents qui a façonné cette génération brillante du jazz. Depuis ces débuts, leurs carrières se suivent de près : premiers concerts, premiers albums, premières tournées, reconnaissance internationale… Leur lien est palpable, organique : ils échangent des regards complices, se répondent en musique, s’éclatent.
Femi explique aussi le feu sacré qui les anime tous :
“Ce qu’on fait là, ce n’est pas juste du jazz. C’est de la musique pour que vous soyez heureux. Pour que vous dansiez. Pour que vous foutiez le feu à cette salle.
If it’s not happy music, it’s music that makes you happy…
But there’s something even more powerful than happiness… It’s joy !”
Vous l’aurez compris, Ezra Collective enchaîne avec un de leurs tubes phares : You Can’t Steal My Joy
Pour l’occasion, les cuivres s’offrent un bain de foule en parcourant le Casino pour répandre cette joie contagieuse.
Ce set, c’est un shot de bonheur. Une déclaration d’amour à la musique vivante, à la transmission, à l’euphorie collective.
On repart en sueur, et sur le chemin du retour, le public chante encore ces thèmes de cuivres qui collent à la peau.
Pour se remettre en tête le dernier album c’est ici.
Ce qu’il s’est passé sur les scènes OFF :
Un dernier petit tour d’horizon de la programmation gratuite du MJF, toujours aussi folle cette année.
The Big Tusk – Des compositions entre jazz-fusion, électro et prog-rock. Le genre de set qui ne ressemble à rien d’autre : sauvage et technique, avec une vraie ambition musicale. Public conquis au Memphis. Leur album IT’S ALIVE! ici
Sahel – La musique acoustique francophone rencontre la bossa nova. Un artiste solaire porté par des grooves tropicaux et des rythmiques de guitare entêtantes. À écouter tout l’été pour s’ambiancer. Découvrez Sahel ici.
Grems – Le plus punk des rappeurs français était là aussi, et il a tout retourné avec son live atypique. Son EP jazz-rap s’est invité sur la scène du Memphis, proposant un hip-hop libre et expérimental.
Peggy Gou – Il fallait se dégoter des places pour assister à cet événement spécial. Chaque année, le MJF s’associe avec Audemars Piguet pour proposer un concert atypique dans un lieu secret en marge du festival. Cette année, les festivaliers avaient rendez-vous avec l’icône de la techno Peggy Gou dans une ancienne centrale thermique désaffectée, transformée en dancefloor pour l’occasion. Expérience hors du commun garantie.
Cassius – Un autre gros rendez-vous électronique au MJF cette année… La French Touch s’est emparée de la Coupole pour un set ultra généreux. DJ Boombass fait revivre l’héritage du duo iconique malgré la disparition de son compère Philippe Zdar. Les classiques de 1999 remixés, des pépites house enchaînées avec finesse. Beaucoup d’émotion dans l’air, et un dancefloor qui ne voulait plus s’arrêter.
Montreux sounds so beautiful, toujours.
Avec cette édition 2025, le Montreux Jazz Festival a encore prouvé qu’il reste l’un des plus beaux festivals du monde. Plus qu’un événement, le MJF, c’est un état d’esprit et une communauté si particulière…
On reprendra les mots d’un célèbre amoureux du festival, le regretté Quincy Jones :
“You can’t describe Montreux Jazz Festival, words don’t do it justice, you just have to come and experience it.”
Ici, tout dialogue. Les scènes et les époques les plus importantes de la musique internationale se croisent, les styles se répondent. Ici, on célèbre l’héritage de l’histoire de la musique, mais on dessine aussi son avenir. Dans le public, les frontières s’effacent : générations, genres, pays, musiciens, festivaliers… On est juste là, ensemble, à se laisser emporter par la ferveur de la musique.
Nos chroniques au Montreux Jazz Festival se terminent. Mais la musique, elle, continue. À Lyon, à Londres, à Paris, à Lausanne, sur les plateformes, dans les caves ou les grands auditoriums.
On reste à l’écoute.
Toujours à la recherche de ce moment suspendu, ce frisson, cette étincelle.
Crédits photos Montreux Jazz Festival, Lauriane Vega, Louis Matthey
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